vendredi 25 décembre 2009

Lucidité

Texte écrit le samedi 15 août 2009

Parfois je me regarde dans la glace et je me demande qui je suis.

Ca arrive souvent par ces petits matins froids quand le calme de la nuit n'est pas encore rompu par l'effervescence des activités humaines: il arrive que l'on arrête vraiment son train-train quotidien pour voir en face la vacuité de notre existence: Qui suis-je? Où vais-je? Mon existence compte-t-elle vraiment dans l'univers? Et après moi? Après ma vie? Que retiendra-t-on de moi? La réponse évidente et crue dans la lueur blafarde de l'ampoule de la salle de bains ne peut-être que "Rien", "Nulle part" et "Non". C'est tellement déprimant qu'on a aussitôt l'envie de se recoucher et de mourir.

On oublie aussitôt cet instant de cruelle désillusion. On continue sa petite vie en se voilant la face, en espérant s'être trompé, en oubliant cet instant de vérité. On se dit que quelque part, on est important, même si au finish on ne peut qu'espérer être "juste quelqu'un de bien".

dimanche 20 décembre 2009

Comment je suis devenu un petit gros


Texte écrit à Montrouge, le jeudi 24 Mars 2005.

Ne vous méprenez pas sur le titre. A moins de subir une amputation, on ne devient pas petit. on le reste. Certains grandissent calmement, à leur rythme, comme un arbre, insensiblement. D’autres ont une brusque montée de sève à l’adolescence : les jambes et les bras s’allongent à vue d’œil, les manches remontent du poignet à l’avant-bras en une semaine.
Ce fut plutôt le second cas pour moi. Le père me regardait d’un air perplexe avec « Mais qu’est-ce qu’il attend pour pousser ? A seize ans ? » inscrit en grand sur le visage. La mère en profitait délicieusement en susurrant le « Mon bébé » qu’elle utilise encore aujourd’hui à mon égard. Moi, engoncé dans mon innocence, n’ayant ni frère, ni sœur, je ne comprenais pas le silence interrogatif du père, ni le silence rassasié de la mère.

Ah ! Vous avez remarqué ? Oui, je dis « le » père et « la » mère. Simple habitude de ma part qui ne portait pas à conséquence, avant qu’un ami sournois ne me fasse remarquer que cette manque de possessivité envers « mes » parents reflétait bien le manque d’intérêt que je leur porte. Mais faut-il s’en étonner après avoir compris qu’on était le résultat d’une erreur ?
Allons bon, je voulais vous parler de moi et voilà que je m’épanche sur les erreurs passées des parents. Remettons cela à plus tard. Un peu de concentration, que diable !

Bref, je suis resté petit. Non, pas nain ; pas une de ces personnes dont l’absence de croissance condamne à courir dans les émissions télévisées et sur leurs courtes pattes après une gloire qui compensera peut-être leur ego meurtri par les regards de pitié. Pas nain, juste petit. Bien proportionné, mais assez en dessous de la taille moyenne.
J’ai lu dernièrement que la taille moyenne de l’homme croissait de quelques centimètres par génération ; constatation que les éminents scientifiques expliquaient en vrac par une meilleure alimentation, un taux d’éclairage plus important, un dérèglement de la glande thyroïde dû à la pollution croissante,…
Ma glande thyroïde, elle, n’était pas déréglée, juste paresseuse. Comme le lièvre de la fable, elle s’est réveillée brusquement à dix-sept ans, s’est mise à produire cette fameuse hormone de croissance en quantité afin de rattraper son retard. Je m’imagine souvent que si les parents avaient pris chaque mois une photo de moi et qu’on les affichait, comme au cinéma, au rythme de 24 images par seconde, ils auraient pu avoir la transformation en une seconde de Hulk enfant, la couleur verte en moins. Puis, après vingt-quatre mois de service assidu, la glande fainéante se décréta en coma profond et arrêta de fournir le carburant de ma croissance. A 19 ans, j’avais acquis la totalité des seuls 169 centimètres que la Nature ne me donnerait jamais.

Je n’ai vraiment réalisé que ma petite taille me désignait comme un être à part qu’au collège, après un redoublement qui m’avait ôté tous mes camarades. Ces idiots plus jeunes que moi me regardaient de haut, au propre et au figuré. Et j’ai du jouer des poings pour me faire respecter.
Le caïd de la classe s’appelait Patrick, une grande asperge pleine de boutons prêts à dégorger l’excès de sébum propre (jamais mot n’a été plus mal employé) à cet âge si (in)gras. Il m’avait choisi comme tête de turc mais, intelligence ou paresse, ne s’attaquait jamais à moi qu’au travers des autres en attirant leur regard sur moi et en attisant leur mépris.
Il a finalement fallu que je l’attrape en tête-à-tête (façon de parler, puisque je devais lever la mienne pour voir la sienne) pour lui expliquer avec des arguments percutants ce que je pensais de l’intérêt qu’il me portait. Pour le restant de l’année scolaire, Patrick éluda toutes les interrogations sur la cause du magnifique œil au beurre noir qu’il afficha le lendemain. Personne ne remarqua mes phalanges abîmées, mais les quolibets, cessant d’être alimentés, finirent par s’éteindre.

L’événement le plus marquant quant à ma taille fut sans doute ce jour terrible où, à seize ans, allant avec un certain nombre de cousins et cousines à la fête foraine, je fus refusé à un manège sous le prétexte forcément injuste que j’étais trop petit ! Je me mis alors vraiment à m’inquiéter de ma taille comme une adolescente s’inquiète de celle de ses seins. Je pris l’habitude de me mesurer chaque jour en m’adossant pieds nus à une armoire et en marquant ma taille d’une encoche de couteau dans le bois ; jusqu’à ce que ma mère me surprenne un jour et envoie l’armoire chez le menuisier pour réparations et moi au lit sans dîner pour sanction. Comment expliquer à seize ans la rationalité de vouloir se voir grandir contre lémotivité d’une mère inquiète pour le patrimoine familial ?

C’est donc avec un plaisir et un soulagement compréhensibles que je vis les prémices d’une amélioration attendue : mes pieds commencèrent à me faire mal.
Oui, je sais c’est paradoxal, mais le corps, pour assurer la stabilité nécessaire à une taille plus importante commence à grandir des pieds avant toute chose. Je n’étais pas ignorant de ce détail après avoir lu tous les livres de la bibliothèque municipale sur le développement des adolescents et après m’être offert quelques frayeurs en feuilletant ceux traitant du nanisme. Aussi étais-je particulièrement à l’écoute de mes pieds.

La mère ne pouvait que constater l’inévitable : son bébé grandissait et c’était dans un silence morbide qu’elle m’emmenait, tout guilleret, acheter une nouvelle paire de chaussures. Elle se désolait aussi de payer pour des chaussures que je ne portais qu’un mois. La mère avait un grand sens de l’économie.
Chez nous, donc, elle attendait quelques mois que mes manches de chemise, qu’elle achetait inévitablement de mauvaise qualité et beaucoup trop grandes, remonte jusqu’aux avant-bras avant de m’en acheter des nouvelles. « Remonte tes manches, comme çà, çà ne se verra pas. » me disait-elle à chaque remarque justifiée sur mon (manque d’) apparence, «  tu es absolument époustouflant. »
Que pouvais-je lui répondre ? Comment lui expliquer que les autres avaient des habits à leur taille, qu’ils pouvaient se pousser dans les escaliers sans grand risque de se les faire déchirer, et surtout que les filles n’appréciaient pas un petit ami sans garde-robe ?
« Absolument hors de question ! » fut sa réponse à ma seule et unique tentative de la convaincre que ma vie sociale dépendait de mon apparence. « On est pas Crésus mon bébé. » avait-elle ajouté avec un soupir.
Il ne fallait pas compter sur le père pour m’aider. En dépit de son étiquette légale de pater familiae, le père avait vite compris que la meilleure façon d’avoir la paix chez soi était de la foutre (la paix) à la mère en acquiesçant à toutes ses demandes.

Les parents n’étaient pas très grands. Génétiquement parlant, ce n’était pas un bon départ pour moi. Mais grandissant sans frère ni sœur, je m’étais renfermé sur moi et dévorait les livres de la bibliothèque familiale dès que j’avais su lire. Aujourd’hui encore, je pense à cette enfance étriquée et la compare à la création de ces pauvres plantes qu’un asiatique, sadique mais patient, torture pour en faire des bonsaïs (forcément sadique, puisqu’il assoiffe, étouffe et ligote ; forcément asiatique, puisque le bonsaï est d’origine japonaise et que dans les romans d’aventures, le tortionnaire est toujours un Chinois au sourire cruel, aux doigts crochus et au français approximatif).


On ne peut pas devenir petit, mais on peut devenir gros. Malgré mon enfance de rat de bibliothèque, mon manque patent d’enthousiasme pour tout exercice physique et un appétit vorace encouragé par la cuisine de la mère, je n’avais jamais été gros dans mon enfance.

Ma mère était d’origine paysanne et tenait de ses parents agriculteurs, sinon un appétit de travailleurs manuels, au moins l’habitude de cuisiner en quantité excessive, de bien remplir les assiettes et de tenir à ce que sa famille finisse complètement ce qui était servi. Que faisait mon corps de toutes ses calories ? Je ne saurais le dire. Eduqué dans le sacro-saint dégoût du gâchis, encouragé par l’amour poule de la mère, j’avais développé, déjà jeune, une capacité gastrique importante que j’augmentais régulièrement à chaque repas. Et pourtant, je ne grossissais pas. Evacuais-je cet excédent d’énergie en exercice physique ? Pas vraiment. A moins que les obligatoires quelques heures par semaine d’éducation physique à l’école suffisent à l’éponger ; ce dont, rétrospectivement, je doute fort. Mystère.

J’ai donc grandi maigre, gracile, mince, malingre, fluet… malgré un régime très éloigné de la carence. J’ai même le souvenir lointain d’une entrevue où, moi assis sagement dans un coin de son bureau, Madame l’Institutrice essayait de faire dire à la mère que notre famille n’avait peut-être pas les moyens de se nourrir correctement en déclarant qu’une demande de bourse pourrait soulager les frais de la demi-pension. Je n’avais pas trop compris à l’époque pourquoi la maîtresse voulait voir ma maman, je pensais avoir fait une grosse bêtise, que mes parents allaient en être informés. Je n’ai donc pas été surpris par la colère de la mère, mais plutôt la cible de cette colère : l’Institutrice voulait sans doute aider ce qu’elle croyait être une famille trop indigente pour s’alimenter correctement mais elle avait mortellement insulté la mère en insinuant qu’elle était pauvre. Le seul résultat dont je me souvienne, c’est d’avoir eu ce soir-là une double portion de dessert !

De fait, nous n’étions pas pauvres, juste à l’aise. Le père travaillait comme comptable dans une usine et son salaire rapportait suffisamment de quoi loger, vêtir et nourrir tout le monde. La mère restait à la maison et entretenait le logis, habillait et nourrissait tout le monde. Elle avait un grand sens de l’économie (mais je l’ai déjà dit), considérant beaucoup de petits plaisirs de la vie comme superflus. Sa seule prodigalité s’appliquait à deux domaines : l’éducation et la nourriture.

Pour mon éducation, elle dépensait sans compter. Tous les livres dont la lecture était officiellement conseillée (par les instituteurs, la télévision, la radio ou autre prescripteur) finissaient un jour ou l’autre dans la bibliothèque familiale. Elle me répétait souvent, généralement quand j’étais rétif à l’idée d’étudier à la maison alors que le soleil invitait aux sorties : « Etudie bébé. Tu peux tout perdre dans la vie, sauf ce qu’il y a dans ton crâne. » en omettant allègrement dans son raisonnement Alzheimer, l’amnésie et la folie. Je pense qu’elle compensait par cette attention à mes études ses propres études arrêtées pour cause de grossesse soudaine…

Du côté nourriture, son leitmotiv devant un enfant qui boudait ses légumes était « Mange bébé, on ne sait jamais de quoi demain sera fait et si on aura à manger. Alors mange tant que c’est chaud et termine tout. » Elle se réjouissait de me voir vider finalement l’assiette, m’en proposait généreusement une deuxième platée (Eurk !!!!) avant d’apporter les fromages et le dessert.

De nos jours, il est important pour son image d’être mince. Dans ma jeunesse, j’étais mince sans y penser, sans effort, comme si un trou noir miniature avait été logé dans mon estomac et engloutissait l’excédent. Et pour répondre aux esprits scientifiques et/ou médicaux qui échafauderaient déjà une théorie : NON, je n’avais pas de ténia. Je pense simplement que toute cette énergie se dépensait nerveusement, en études précieuses à l’école, en élucubrations fiévreuses sur les filles, en inquiétudes pernicieuses sur ma taille.

Le corps humain, dit-on, est à son maximum de développement entre 20 et 25 ans. C’est dans cette période que les capacités physiques et intellectuelles sont maximales. Mon optimum personnel a été entre 17 et 19 ans. Avant, je n’avais pas encore toute ma taille adulte, après, j’ai pris du ventre.

Bien entendu, ça n’est pas venu d’un coup. Depuis la fin de mes études, je n’avais plus beaucoup d’exercices physiques. Mon ventre plat a commencé à perdre sa définition graduellement ; comme la montée des eaux, lentement la graisse a fait le siège de mes abdominaux, puis les a submergés. Ces prises tellement pratiques pour nous saisir qu’on a fini par les appeler poignées se sont développées. Et insidieusement, ont décidé d’étendre leur territoire vers le bas de mon dos.

Je n’avais bien entendu pas changé de régime, ni perdu cette habitude tellement endoctrinée de finir mon assiette à n’importe quel prix. Même aujourd’hui, quand je vais visiter la mère, elle me pousse à finir l’assiette qu’elle a sciemment surchargée, trouvant de visite en visite, que son bébé maigrit (sic). Allez donc dire à votre organisme habitué à un volume quotidien de nourriture qu’il doit être plus raisonnable ; répétez-vous que votre estomac doit s’habituer à être moins rempli ; assurez à votre entourage que vous allez arrêter de vous goinfrer ; rien n’y fait : la ceinture abdominale s’installe, le doigt se boudine, la fesse s’arrondit, le pectoral s’affaisse.

L’exercice physique que je n’ai jamais apprécié devient plus pénible encore. Penser que pour éliminer ce croissant au beurre si délicieux ce matin, suer sang et eau pendant quarante minutes de jogging équivaut à quatre heures étalé devant sa télévision, ne vous pousse pas vraiment à courir.
Incroyablement, la balance personnelle tient le coup malgré l’aiguille qui vire dans le rouge. C’est moi qui ne tient pas et finit par la brocarder la première fois qu’elle atteint les trois chiffres. J’en tremble, ou plus exactement ma graisse en tremblote, encore.

L’autre jour, dans le bus, je me suis revu. Plus exactement, j’ai revu mon double enfant, un gosse de sept, huit ans limite rachitique avec une barbe à papa plus grande que sa tête dans sa main droite. Il m’a regardé avant de crier à sa mère, d’une voix aiguë audible dans tout le véhicule : « Maman, maman ! Le monsieur il est plus gros que Tonton Franck ! » Sa mère l’a rabroué : « C’est vrai, mais il faut pas dire çà. C’est pas gentil ! » Les autres passagers ont levé la tête, cherchant d’un œil terne l’objet de l’échange. J’aurais voulu que la terre s’ouvrit sous mes pieds. Je suis descendu à l’arrêt suivant en haletant et en vouant le gosse à un avenir rempli de bourrelets.

C’est décidé, demain je vais consulter un diététicien et un professionnel du fitness. Mais, en attendant, pour effacer ce souvenir embarrassant, je crois que je vais m’offrir un fraisier…


mercredi 16 décembre 2009

Genèses: La Naissance d'Aliber

Texte écrit le jeudi 3 novembre 2005

Avant l'Ere actuelle, il y avait une autre Ere. Et une autre avant elle, et encore une autre avant. Et une infinité d'Eres se succédant sur le fil du Temps. Et avant elles, au bout de ce fil, étaient les Dieux Majeurs.


Au début fut le Néant, l'Entité qui Fut, qui était tout. Et étant la Totalité, il ne pouvait qu'être. Même la solitude lui était inconnue car le concept même de multiplicité n'existait pas. Il était. Et avec son existence apparut la conscience de soi, l'Ego. Et le Néant était content d'être.
Une infinité de temps passa.

Puis l'ennui vint de ne qu'être, et le Néant aspira à découvrir quelquechose pour satisfaire sa conscience. Aussi commença-t-il à tout examiner. Mais comme il était tout, il finit par advenir que le Néant sut tout sur lui-même et sur sa propre conscience. Il sut alors que le seul mystère qu'il lui restait à explorer était celui qu'il ne pouvait examiner: le mystère de la perte de la conscience. Et sa conscience recula de peur.
Une infinité de temps passa.

Ivre d'ennui, la conscience du Néant tourna et tourna sur elle-même. Et l'Entité qui Fut décida d'affronter le Dernier Mystère et abandonna la conscience. Comme un fruit se coupe en deux, le Néant se déchira alors et disparut. Deux Forces apparurent alors, égales et opposées, et luttèrent immédiatement pour emplir l'espace vacant. Et de leur affrontement, elles prirent conscience de leur existence propre, mais aussi de celle de l'autre Force. Ainsi naquit la conscience de l'autre, l'Alter.
Une infinité de temps passa.

Lassées de batailler inutilement, les Forces convinrent d'arrêter en même temps leurs efforts antagonistes. Elles souhaitaient pouvoir développer leur conscience toute neuve et explorer l'espace qu'elles contrôlaient. Elles décidèrent alors conjointement de créer une troisième conscience issue d'elles deux qui déciderait de l'issue de leur affrontement pendant qu'elles s'exploreraient. La troisième conscience naquit donc de la volonté des deux forces. Et parce que cette troisième entité devait distinguer ses créateurs, elle s'adressa à l'un par "O'ktohn" ce qui Signifie "Père" et à l'autre par "O'armohn" ce qui Signifie "Mère". Ainsi naquit le pouvoir du Nom.

Les deux Forces, délivrées de leur combat éternelle, purent ainsi examiner les limites de leur existence et de leur conscience. Et il leur apparut qu'au contraire du Néant, qui était unique et était Tout, et partant, ne pouvait qu'être; elles n'étaient que la moitié du Tout et que ce qui n'était pas défini par Soi était forcément défini par l'Autre.
Une infinité de temps passa.

Réalisant finalement qu'elles étaient aussi puissantes l'Une que l'Autre, les deux Forces demandèrent la décision de la troisième Conscience. Or, né de la volonté égale des deux Forces, cette dernière ne put décider qui des deux Forces devait prévaloir sur l'autre. Les deux Forces la nommèrent alors "A'liber" ce qui signifie "Indécis".

O'ktohn, la Force Père, réalisa que sans intervention, A'liber resterait ainsi éternellement. Désireux de vaincre, il insuffla légèrement de sa volonté en A'liber afin de l'influencer. Cette volonté supplémentaire se matérialisa comme un souffle constant, léger et invisible, qui entoura A'liber. Ainsi naquit Aër, dieu du Vent.

O'armohn, la Force Mère, réalisa que sans intervention, A'liber déciderait de la victoire pour O'ktohn. Désireuse de maintenir son impartialité, elle insuffla légèrement de sa volonté en A'liber afin de l'équilibrer. Cette volonté supplémentaire se matérialisa comme une carapace de pierre, dure et résistante qui protégea A'liber du souffle d'Aër. Ainsi naquit Gëa, déesse de la Pierre.

O'ktohn, la Force Père, réalisa que sans nouvelle intervention, A'liber resterait ainsi éternellement. Désireux de vaincre, il insuffla légèrement de sa volonté en A'liber afin de l'influencer. Cette volonté supplémentaire se matérialisa comme une boule d'or aux rayons destructeurs qui fit craquer la carapace de Gëa qui entourait A'liber. Ainsi naquit Pÿr, dieu du Soleil.

O'armohn, la Force Mère, réalisa que sans nouvelle intervention, A'liber déciderait de la victoire pour O'ktohn. Désireuse de maintenir son impartialité, elle insuffla légèrement de sa volonté en A'liber afin de l'équilibrer. Cette volonté supplémentaire se matérialisa comme une couche d'eau qui protégea A'liber des rayons de Pÿr. Ainsi naquit Ydr, déesse de la Mer.

Irritées l'une contre l'autre, les deux Forces reprirent alors leur combat titanesque pour la domination de l'Univers; laissant A'liber dans son indécision.
 Une infinité de temps passa.

samedi 12 décembre 2009

If only I were you

Texte écrit le vendredi 20 octobre 2000


If only I were you, I would love that guy,
He must be in love, the way he looks at you.
You must be more handsome, at least to his eyes,
Than any boy had been anywhere he's been to.

He could be the One, this nice guy next door,
With a ready smile, but with shyness also.
He could be your true love, and maybe much more,
Your master and your slave, if you wanted it so.

He could be the love you search everywhere,
Hunting high and low in the smoke-filled bars,
Without seeing it from being too near,
So concentrated on finding him afar.

He could be the One, if you wished it so,
Your slave and your master, if you wanted more.
He could be shyness and a ready smile also,
He could be your true love, this nice guy next door.

He must be in love, the way he looks at you:
More handsome than most, at least to his eyes,
Than any boy had been anywhere he's been to.
If only I were you, I would love that guy.

Si seulement j'étais toi

Texte écrit le mercredi 18 octobre 2000

Si seulement j'étais toi, j'aimerais ce garçon,
Il doit être amoureux, à te regarder de cette façon.
Tu dois être plus beau, du moins à ses yeux,
Que tous les garçons de n'importe quel lieu.

Ce pourrait être Lui, le garçon d'à-côté,
Avec son sourire facile et sa timidité.
Ce pourrait être ton Amour et bien plus aussi:
Ton maître ou ton esclave, si tu le souhaites ainsi.

Il pourrait être l'Amour que tu cherches tant
Dans les fumées des boîtes et des bars,
Ce garçon que tu croises en sortant,
Que tu dépasses sans jamais apercevoir.

Ce pourrait être lui, si tu le voulais ainsi,
Ton maître ou ton esclave, si tu le souhaites aussi.
Avec son sourire facile et sa timidité,
Ce pourrait être lui, le garçon d'à-côté.

Il doit être amoureux, à te regarder de cette façon.
Plus beau que tous les autres, du moins à ses yeux,
Plus qu'aucun garçon en n'importe quel lieu.
Si seulement j'étais toi, j'aimerais ce garçon.

Fantôme

Texte écrit le mercredi 6 décembre 2006

Le vent d'Automne pleure doucement
dans les branches presque dénudées
la complainte du jour enfui,

Comme il a pleuré il y a deux mille ans
dans les contrées de Judée
la mort du Messie.

De flaques noires en flaques sombres
tracés à l'orangé presque garance
de l'éclairage urbain,

Je flâne, ombre parmi les ombres,
avec la tranquille assurance
de ceux qui connaissent leur chemin.

La nuit est mon pays, mon territoire.
La nuit est mon terrain de jeu.
La nuit et ses menaces assassines:

Grandes et larges formes noires,
crissements soudains de pneus
et autres imprécations canines.

Je suis un spectre en mon temple,
une forme qui ne fait que passer,
une ombre sur pattes.

Et l'homme surpris qui me contemple
sursaute avant de se rassurer:
je ne suis qu'une chatte.

King of the world


Texte écrit le samedi 31 Mar 2007


Tu ouvres la fenêtre. Les bruits du boulevard en dessous rompent immédiatement le silence de la pièce. L'air frais frappe ton visage. Une odeur d'automne, de feuilles mortes humides te rappelle la première fois que tu l'as vu.

C'était aussi un jour d'automne, il y a un an, tu as croisé le regard trouble de ce garçon qui venait d'avoir 18 ans. Qu'est-ce qu'il t'a pris de lui parler? La douleur digne de son visage? Ce mélange de faiblesse et de force dans ce corps d'adolescent? Tu ne sais plus. Tu lui as parlé et ta vie s'en est trouvée bouleversée.

Le téléphone sonne sur ton bureau. Tu n'as pas envie de répondre. Aujourd'hui plus que tout autre jour, tu n'as pas envie des responsabilités qui t'attendent, des décisions que tu dois prendre dans le cadre professionnel. Qu'ils se débrouillent seuls! Personne n'est irremplaçable.
Personne sauf peut-être lui. Lui que tu as voulu aider à surmonter sa douleur. Lui, cet homme-enfant meurtri par un premier amour raté. Il t'en a fallu du temps pour qu'il te raconte son histoire: une histoire si courante et si personnelle, tomber amoureux d'un hétéro.
Toi-même, tu es tombé dans ce piège. Aimer quelqu'un qui ne te le rendra jamais, tout au plus peut-être des serments d'amitié. Tu refoules le souvenir de tes 18 ans à toi. Le sourire gêné de ton premier amour à sens unique après une déclaration honteuse. L'envie de disparaître de la vie de l'autre. La peur de voir ébruiter le secret.

Tu soupires. Le téléphone s'est tu, vaincu par ton apathie. Le responsable toujours disponible, l'homme aux milles solutions est pour la première fois aux abonnés absents. Tu te rappelles les études que tu as faites pour obtenir ton poste, les sacrifices auto-imposés pour atteindre l'excellence, l'envie de compenser ta tare par l'obtention permanente de la première place.
Que t'a apporté une telle perfection? La réputation d'un homme aux nerfs d'aciers, plus véritablement humain, un bourreau de travail sans vie privée jusqu'à la rencontre avec lui. Une vie sans vie, sans ami, sans joie mais aussi sans douleur.

Et puis tu l'as rencontré. Et ton coeur de glace s'est ému. Tu as voulu l'aider, le guérir, le chérir. Peu importait qu'il eut la moitié de ton âge. Tu as vu en lui ta rédemption, comme la possibilité de racheter ta propre souffrance, ta propre jeunesse gâchée. Tu as été un ami, un parrain, un père. Celui qui guide et qui pardonne à la fois.
Et tu l'as désiré. Follement. Mais tu n'as jamais osé essuyer un deuxième refus. Tu sens encore sur tes lèvres le souffle chaud de son haleine la seule fois où vos salives se sont mélangées. Tu en rêves la nuit.

Tu veux revivre ce moment. Cet instant de pur joie de vivre où il a enjambé la balustrade de ta fenêtre pour confier sa vie à la force de tes bras. Ce moment d'indicible absolu où sa frêle silhouette s'est penchée sur le vide en criant "I'm the king of the world" tel un Di Caprio en figure de proue d'un Titanic de pierre. Tu enjambes la balustrade et te retiens à elle. L'adrénaline chante dans tes veines comme une drogue.

Et puis tu te souviens de ce que tu ne souhaites pas te souvenir. Ce retour plus tôt que prévu. Ce corps qu'il te déniait dans les bras d'un autre. Ces clés que tu lui avais données comme symbole d'ouverture et d'asile permanent transformées en instruments de trahison.
"Aimer c'est souffrir" as-tu toujours pensé et tu l'as vérifié passionnément ce jour là. Une larme perle au coin d'un oeil.

Le vent se calme soudain. Un rayon de soleil caresse ton visage. Tu bombes le torse et inspire profondément pour rechercher une quiétude désormais perdue. Et pendant un instant, ton coeur trouve un équilibre intérieur, une paix de l'âme jamais atteinte jusqu'ici. Alors, tes mains lachent la balustrade.