mercredi 30 juin 2010

Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'un bel homme inconnu, et que j'aime et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait le même
Ni tout à fait un autre, et me baise et me prend.

Car lui seul sait me prendre, et mon cul frémissant
Rien que pour lui, hélas! cesse d'être un problème
Rien que pour lui, et les feux de mes fesses blêmes,
Lui seul les sait rafraîchir, en y gémissant.

Est-il brun, blond, chauve ou même roux? --Je l'ignore.
Son nom? Que m'importe-t-il tant que lui me fore
Comme la jument que l'étalon enfila.

Son engin est pareil aux rigides statues,
Et pour son cri final, et animal, il a
L'inflexion des cris mortels de ceux qu'on tue.

vendredi 25 juin 2010

Cet ailleurs antérieur

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant*
De revenir, oh! ne serait-ce qu'un instant,
À ma folle jeunesse qui s'en fut répétant:
"On n'est pas sérieux quand on à dix-sept ans".**


C'est là le plus beau, c'est là qui gagne la palme,
Cet endroit que je veux, cet impossible ailleurs,
Tous ces bonheurs d'antan, ce passé antérieur
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes.***


Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant,****
Ou privez-moi pour toujours de ces souvenirs:
La nostalgie -vous me comprenez, je le sens-
Est un mal que chacun se plaît d’entretenir.*****


= = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = =
* Verlaine, "Mon rêve familier"
** Rimbaud, "Roman"
*** Baudelaire, "La vie antérieure"
**** Apollinaire, "Le voyageur"
***** La Fontaine, "L'homme et son image"

mardi 22 juin 2010

La valse

Je sens ta taille fine
Collée contre ma taille,
Prête à livrer bataille,
À tourner sur le spin.

Et ma main dans ta main
Nos cinq doigts enlacés,
L'autre si bien placée
Qu'elle en forme un écrin.

Nos jambes intriquées,
Le cadre bien préparé:
Rien ne peut séparer
Nos deux corps imbriqués.

C'est l'instant éternel,
(On veut le prolonger)
Juste avant de plonger,
Avant la ritournelle.

        La musique se lance
        En notes égrainées,
        Et par elle entraîné,
        Notre couple s'élance.

Un-deux-trois, quat'-cinq-six,
Pour trois pas en avant,
Et trois pas en tournant:
Six pas pour un délice.

Un-deux-trois, triple pas:
Gauche, droite puis gauche,
De l'arrêt une ébauche
Puis pied droit, gauche et droit.

Quat'-cinq-six, penche à droite,
Ne pas être piégé:
Le sway se veut léger
Et la pente adéquate.

Plaisir de la journée:
Ma tête tourne et tourne.
Une fois je contourne,
Puis je suis contourné.

        Quand tu fais tes vrillés,
        Mon coeur voudrait te dire
        Ce qu'il ne peut qu'écrire
        Avec des pointillés.

...Tu souris de plaisir:...
...C'est la seule volupté...
...Que tu veux accepter...
...Depuis notre partir....

...Et j'oublie un instant,...
...Tellement mon coeur vibre,...
...Tu es maintenant libre,...
...Plus ne suis ton amant....

...Parce qu'en ces moments...
...Je suis -tu ne peux nier-...
...L'unique cavalier...
...Occupant ton présent....

...Tournons, tournons, tournons!...
...Car je veux m'enivrer,...
...Je ne veux me livrer...
...Aux maux de la raison....

        Mais pourquoi te gâcher
        Le plaisir de mes bras?
        Mon âme se taira,
        Point ne veux nous fâcher.

Continuons sans arrêt!
Que cette parenthèse
Où tu soupires d'aise,
Ne s'arrête jamais!

Un-deux-trois, tu enlaces
Quat'-cinq-six, mon cou souple.
Nous sommes plus qu'un couple
Tournant de place en place.

Sur la piste du bal,
Encor pour un instant,
Parodions les amants
En leur rituel nuptial.

La valse est mon délire:
L'illusion d'un prologue,
Mon besoin et ma drogue,
Symbole du désir.

mardi 15 juin 2010

Addiction

Il est ma vie, mon centre, et ma malédiction:
C'est mon ordinateur, coeur de mon existence,
Ma joie et mon malheur, mes peurs et espérances
Noeuds angoissés en ventre en ma folle addiction

Le soir je le revois, amant fou de mes nuits,
Dévorant sans pitié mon reste de sommeil,
Et Morphée rancunier se venge à mon réveil:
Je suis encore en retard au boulot aujourd'hui.

Puis je rentre à nouveau
Rejoindre mon bourreau:
Encore un jeu, une nouvelle partie,
Encore un motif pour une insomnie;
Encore un forum, un site,
Rien pour m'arrêter, tout m'y incite.
Encore un blog pour
Me déstructurer.

Je me lève hagard, le corps exténué,
Mes pensées se disloquent mais je veux néanmoins continuer
Je ne vois plus le jour


les rideaux sont
tirés
les yeux

rives sur

l'ecran
je veux pas me

laver
lever?

qui sait
la faim  est      transitoire la fin
            sans doute   proche
ancore   un  cliqk droi
     issi


la
    ankor 1 site
kliké       sur  le

   bouton  bleux
marké


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mercredi 9 juin 2010

La prairie

Ce soir, je n'ai vraiment pas l'envie d'être seul
À pleurer les deux ans que nous avons vécus,
Pas l'envie de pencher encore sur le linceul,
Ni donc de m'épancher sur mon amour vaincu.

Ce soir, je veux vivre, respirer la lumière,
Enfin être libre de ton amer fantôme.
Ce soir je suis sorti respirer les arômes
Du genêt, de l'ortie sur le fond de bruyère.

Mon coeur toujours hanté du feu de tes baisers,
Mon âme tourmentée se sont vus apaisés.
J'ai retrouvé le calme au sein de la prairie,

Et obtenu la palme -Enfin!- du survivant:
Des herbes intriquées, du soir jusqu'au levant,
Les viva des criquets m'ont proclamé guéri.

mardi 8 juin 2010

Télévision

La télé est une vitrine,
C'est le reflet immonde de nos sociétés
Qui nourrit l'esprit avide sans satiété
Mais pas le coeur dans la poitrine.

Voir le journal me désespère:
Vols, viols, violences, me font douter de l'humain,
Promettant un beau jour mais toujours pour demain,
Remplissant aujourd'hui de guerres.

Et je m'enivre de séries:
Vivre une vie de rêve par procuration
(Rires enregistrés, factices émotions)
Pour oublier que je m'ennuie.

Les reportages, les enquêtes,
Les investigations pour révéler le vice,
M'effraient toujours pour me faire aimer ma police,
L'adorer et lui faire fête.

Les publicités nous attaquent:
(Lait! Savon! Lessive!) achetez messieurs mesdames,
(Habits! Boissons!) tout ce que vante la réclame
(Et vous valez bien votre laque!)

Permettez moi donc de redire
Ce que Patrick Timsit disait avec talent:
"Parfois je regarde la télé et c'est chiant,
Mais quand je l'allume, c'est pire."

lundi 7 juin 2010

Nous sommes tous nés de la mer

Nous sommes tous nés de la brise
De cet air salé et poisseux,
Ce souffle lourd des amoureux,
Quand ils s'échangent une bise.

Nous sommes tous nés du sel moite
Que l'on avale à pleine bouche,
De cette sueur de la couche
Quand deux corps fous enfin s'emboîtent.

Nous sommes tous nés d'une écume:
Mêmes ceux nés loin de la mer
Sont issus du nectar amer
Qui s'est écoulé d'une plume.

Nous sommes tous nés de la houle:
Bercés de ce pas familier,
Roulés, tangués comme un voilier
Dans l'écrin nacré de nos moules.

Nous sommes tous nés d'océans
Il est vrai un peu miniatures,
Rois jusqu'à ce que leur rupture
Nous en chassent par le séant.

Nous sommes tous nés et divins:
Des Aphrodite issues de l'onde,
Des Pégase de mers fécondes,
Dieux et déesses de demain.

jeudi 3 juin 2010

Je ne vous raconterai pas

Je ne vous raconterai pas d'histoire,
Pas une parole, non, pas un mot.
Je ne vous raconterai pas ce soir
Où l'ami commun partit en vélo.

Je ne vous raconterai pas comment
Je lui ai proposé un dernier verre,
Comment on a rejoint l'appartement,
Ni comment on s'est envoyé en l'air.

Je ne vous raconterai vraiment pas
Comment on s'est revu le soir suivant
Pour encore froisser les mêmes draps,
Et le soir suivant, et le soir suivant...

Je ne vous raconterais pas surtout
Mon installation en son grand logis,
Comment je suis arrivé, bout à bout,
Pièce par pièce, petit à petit.

Je ne vous raconterai pas céans
La furtive arrivée du quotidien,
Comment notre tempête sur l'océan
S'est lentement mué en traître train-train.

Je ne vous raconterai pas enfin
Comment on s'est finalement quitté
(Ça a impliqué du gin et du vin
et la fin de la soirée aux vécés).

Je ne vous raconterai pas de craque
Sur comment j'ai déménagé ensuite,
Comment j'ai repris mon bric-à-brac
Par morceaux entre trois ou quatre cuites.

Je ne vous raconterai rien de rien.
Cette histoire, sans vouloir vous fâcher,
N'est rien qu'un souvenir pour les anciens;
Les jeunes, je ne vais pas vous la gâcher.

mercredi 2 juin 2010

Mon Amérique à moi

Mon Amérique à moi, c'est ton corps tout entier,
Ce vaste continent que j'aime parcourir
Des récifs de tes dents dans la baie du sourire
Au tracé -quel émoi!- de tes aimables pieds.

J'aime ta taille fine et le val de tes reins,
Et les ondulations de ton grand dentelé:
Tous ont mon attention et me font panteler
Aux temps de la machine en ton poitrail d'airain.

Mais ce que je vénère, et plus que ta poitrine,
C'est ces deux petits monts, but de pèlerinage,
Ces lieux de déraison où l'appétit m'engage;

Et cette grotte amère, au creux de tes collines,
Qui donne au voyageur, éternel troglodyte,
Repos réparateur à celui qui l'habite.

mardi 1 juin 2010

Qui peut lui reprocher, qui sans hypocrisie?

Qui peut lui reprocher, qui sans hypocrisie?
Quel homme la huera à la lueur du jour,
Et ira s'empresser, la nuit, à sa cour?
Quelle femme, tout bas, pour haïr sans jalousie?

Qui peut lui refuser le droit divin d'aimer

Et Martin, et François, et David, et Abdul,
Mais aussi le délice ignoré de ces foules
Que sont les bras d'Alice, et d'Irène, et d'Edmée?

Libre des préjugés et loin des a priori,

Elle est libre en amour et le monde est sa couche.
En rouge ou en moustache, elle s'émeut des bouches,
Prélude obligatoire à ses love-story.

Ne la jugez pas, vous ne jugez que vous-même:

Le bédouin du désert ne connaît pas la mer;
Comme un cracheur de haine ne connaît que l'amer
Quand le doux miel est réservé à ceux qui s'aiment.

Elle explore un monde où vous n'êtes que novice,

Cueillant les plus beaux fruits quelqu'en puisse être l'arbre;
Et stoïque et sereine, elle restera de marbre
Si d'aventure vous osez hurler au vice.